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L’Amérique Latine à la croisée des chemins

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Depuis plusieurs mois, le Venezuela attire l’attention internationale de par la gravité de la crise économique et politique qu’il traverse. Si ce pays a pu apparaître comme un pôle d’instabilité sur le continent américain, il semble que ce soit l’ensemble de l’Amérique latine qui est entré depuis plusieurs mois dans une période d’incertitude. Cela met fin à une décennie marquée par la croissance et le développement régional.

Le Mercosur a décidé de suspendre le Venezuela de l’institution fin 2016

Le début du XXIe siècle en Amérique latine fut marqué par un cycle de développement soutenu : la croissance économique était importante et la coopération régionale s’approfondissait, favorisée par le virage à gauche pris par le continent, à travers des organismes tels que le Mercosur, l’Unasur ou l’Alliance du Pacifique. Cependant, la région traverse une crise depuis le début des années 2010, liée notamment à la baisse de la demande du marché chinois  – la Chine est le premier partenaire de nombreux pays latino-américains – et la chute des prix de nombreuses matières matières premières. Ce retournement de la conjoncture économique a mis en évidence le manque de diversification des économies nationales.

L’exemple du Venezuela est le plus frappant. Ce-dernier a fait du pétrole la source quasi-exclusive de ses revenus. La chute des cours du pétrole a plongé le pays dans une situation de récession et d’hyperinflation qui a déstabilisé l’ensemble du régime chaviste,  et a été sanctionné dans les urnes lors des élections législatives de 2015. Depuis, la situation politique est bloquée, le dialogue entre le gouvernement et l’opposition s’avérant impossible. Le premier souhaite convoquer une Assemblée Constituante – dont les membres proviendraient d’organisations pro-chavistes – et le second a convoqué un référendum révocatoire contre le président Maduro. Cette situation de blocage institutionnel empêche toute résolution de la crise, ce qui accroît les tensions : une centaine de personnes est décédée au cours de manifestations et de nombreux vénézuéliens quittent leur patrie. Face à cette situation, les organisations régionales comme le Mercosur ou l’OEA se sont révélées incapables d’apporter des solutions. Néanmoins, le Venezuela n’est pas le seul pays de le région à ne pas avoir diversifié sa production. Ainsi, au Chili les difficultés traversées par le gouvernement de Michelle Bachelet viennent en grande partie de la stagnation de l’économie chilienne due à la baisse du prix du cuivre dont le pays est le premier producteur mondial.

Crise économique, institutions défaillantes et disparités régionales

Concernant le Brésil, le problème est à prendre dans l’autre sens : c’est une crise politique qui entraîne des répercussions sur l’ensemble du pays. Les enquêtes anti-corruption ont eu l’effet d’un raz-de-marée sur la classe politique brésilienne : Dilma Rousseff a été destituée par ce qui peut se rapprocher d’un coup d’État parlementaire, tandis que son prédécesseur Lula vient d’être condamné à neuf années de prison en raison du scandale de corruption Petrobras. Par ailleurs, l’actuel président par intérim Michel Temer est extrêment affaibli, puisqu’il est accusé d’avoir reçu des pots-de-vin du géant alimentaire JBS. L’onde de choc provoquée par ces scandales a déstabilisé l’investissement dans le pays, qui vient de mettre fin à la récession. La situation du côté de l’Argentine est assez proche. Des anciens responsables du gouvernement précédent, dont Cristina Kirchner, ont été renvoyés devant la justice, tandis que le gouvernement de Mauricio Macri peine à redresser l’économie du pays. Il s’agit donc d’une non-adaptation des structures politiques et sociales dans ces pays qui limite la reprise économique : pendant la décennie de croissance, aucune réforme institutionnelle structurelle n’a été mise en œuvre, perpétuant les pratiques politiques qui avaient miné ces pays à la fin du XXe siècle.

Pour ce qui est de l’Amérique centrale, à ces thématiques viennent s’ajouter des phénomènes de violence et de trafics qui plombent le développement de ces sociétés. Par exemple, le Mexique, où le président Peña Nieto avait pourtant promis une guerre contre le narcotrafic, vient de connaître sa pire vague de violences depuis vingt ans, avec 1.000 à 2.000 homicides mensuels. D’autant que l’arrivée de Donald Trump à la tête des États-Unis avec un discours ouvertement anti-mexicain et un projet de mur complet entre les deux pays a impacté les projets d’investissements au Mexique. De leur côté, le Honduras et le Guatemala, pour ne citer qu’eux, ne parviennent pour le moment pas à se défaire de la double-problématique inhérente à cette région et qui nuit à son développement depuis plusieurs décennies : l’immigration illégale et les violences liées au narcotrafic. L’une des seules bonnes nouvelles dans la région au cours de l’année tient aux avancées quant au conflit entre les Farcs et le gouvernement en Colombie.

Les difficultés économiques traversées depuis plusieurs années par l’Amérique latine ont donc mis en avant la fragilité des avancées politiques et sociales obtenues depuis le début du XXIe siècle. À titre d’exemple, l’ambition internationale du Brésil, qui rêve d’un siège de membre permanent du Conseil de sécurité à l’ONU, s’est heurtée à à un scandale de corruption. Reste alors à savoir quels chemins emprunteront les pays latino-américains devant cette situation de crise qui a considérablement affaibli la région.

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Lucas MAUBERT

Doctorant en Histoire à l'Université de Tarapacá (Chili). Diplômé de l'IEP de Rennes et de l'Université Rennes 2. Rédacteur pour Les Yeux du Monde depuis 2016.

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